Pourquoi je n'achèterai pas Charlie Hebdo

Publié le par PimentWouj

Mercredi 7 janvier 2015 j’ai été, comme presque l’unanimité des français, choquée par l’attentat contre Charlie Hebdo, journal satirique bleu-blanc-rouge aux 46 ans d’existence et de loyaux services polémistes.

Je n’ai pas changé ma photo de profil Facebook ni celle de mon blog, P’tits Piments. Pas de grande déclaration enragée ni de diatribe sanglante non plus dans mon poste #CharlieHebdo publié le jour même, mais simplement une citation de Voltaire et deux images : la désormais très célèbre infographie Je suis Charlie sur fond noir et une photo des locaux endeuillés après l’attaque.

J’ai observé la minute de silence nationale avec une spontanéité inédite et une empathie, certes mesurée, mais qui n’est pas mienne quand on me connaît. Je brandissais à cette occasion ma feuille imprimée du « Je suis Charlie ». Dimanche dernier, j’ai été me rassembler avec d’autres dans la ville voisine à la mienne, et j’ai entonné, pour la première fois de ma vie, la Marseillaise.

Mais malgré cette attitude, dictée par le cœur et sans réflexion, je n’achèterai pas Charlie Hebdo aujourd’hui.

Je n’ai jamais lu CH de toute ma vie. Je n’ai rien contre la satire en soi, bien au contraire. D’ailleurs quand je tombe sur une illustration moqueuse et dénonciatrice, mais intelligente et de bon esprit, je ne me gène pas pour rire à gorge déployée. Mais je n’ai jamais pensé que cela faisait avancer quoi que ce soit. Je n’ai donc pas quelque chose « contre » CH en soi, mais je n’en ai jamais été, je n’en suis pas et je n’en serai jamais cliente.

Je suis agnostique convaincue depuis mes plus jeunes années – et dudéiste depuis en fait mais…. bref, osef. J’ai toujours pensé, bien que n’outrageant jamais à voix haute mes proches et amis pratiquants de tous genres, que la religion n’était pas une condition sine qua non pour respecter son prochain. Pire même, je vois en ce concept un point de rassemblement pour esprits faibles et manipulables. La religion n’est pour moi qu’un terme déguisé pour les plus grandes sectes adoubées ad vitam eternam par les hommes. A mes yeux, les 3 grandes professions de foi monothéistes n’offrent rien d’autre qu’un lourd passif et aussi malheureusement un lourd actif de malheurs : massacres, conversions forcées, guerres, viols, meurtres, esclavage, invasions, génocides, etc… la liste est désagréablement trop longue. De fait, les religions ne m’intéressant pas voire me débectant tout simplement, j’ai choisi, non pas de les moquer car je trouve ça un peu esprit « bac à sable », mais de les sortir de ma vie.

Dès lors, je ne suis pas non plus intéressée par la satire à son encontre, que je trouve contre-productive et dénonciatrice de rien du tout. La religion, je m’en tamponne les coussinets. Pour autant, je n’admettrai jamais qu’on tue quelqu’un qui pense différemment ou qui en ri. Voilà pourquoi je suis descendue dans la rue ce 11 janvier 2015. Jamais une République laïque ne devrait tolérer en son sein de tels actes répressifs et violents, jamais.

Pour autant, je ne me laisse pas « avoir » par les bons sentiments qui saturent l’air depuis ces regrettables évènements. Les politiques de tous poils tentent à nouveau de nous faire passer une bonne dose de vaseline et d’embrumer nos esprits. Mais moi je ne suis pas dupe. Non, la France n’est pas unifiée et elle ne sait peut-être même pas ce qu’est la liberté d’expression. Ce sont en grande partie les sentiments islamophobes et anti-arabes qui ont guidé beaucoup dans la rue. Mais la liberté d’expression ne se limite pas à un thème, une communauté, un pays. Peut-on aujourd’hui librement se moquer du juif et de l’arabe en France, de la même façon que du bon vieux et ringard François le français catho bien cliché ? Peut-on rire de l’homo guindé et efféminé de la même façon que du vieux garçon hétéro et puceau qui habite la Creuse profonde ? Peut-on rire de l’handicapé et de la femme sexy comme du simple abruti de service sain d’esprit et du macho de base ? Non et vous le savez. Ce pays est cerné par les entraves à la libre expression et à la libre pensée. Alors certes, je vous l’accorde, dans presque tous les cas, la personne offensée ne va pas y aller de la kalach’ achetée chez Ivanov dans la Tour 6- La Vergeoise de sa cité – ah merde gros cliché (smile). Mais le fait même qu’on ne puisse rire de tout me dérange un peu beaucoup. J’imagine mal Coluche faire ses sketch aujourd’hui sans avoir 30 procès au cul…

La France est en contradiction avec son désir de liberté et de laïcité. Elle n’a pas su imposer sa loi sur le port de signes ostentatoires religieux dans les lieux publics. Elle ne sait pas abandonner définitivement sa tradition officielle, administrative et politique envers les fêtes mercantilo-religieuses de son calendrier : Noël, Pâques, La Toussaint, etc… Quand cesserons-nous d’imposer ces jours comme fériés au nom de la sacro-sainte « racine catholique » du pays ? En tant qu’agnostique j’y vois là une entrave à ma liberté personnelle les gars. La France ne sait pas gérer son immigration pour garder sur son territoire et remercier ceux qui veulent embrasser la culture du pays en plus de la leur et laisser à la porte ceux qui ne veulent que nos avantages sociaux – oui ils existent alors vient pas me dire le contraire, putain !

La France n’est pas unie. Elle est plus que jamais divisée.

Un don d’un million d’euros va être fait à un journal qui était en train de mourir naturellement, faute de fédérer des lecteurs ? Les victimes « Charlie » de l’attentat sont érigées en héros ? Anne Hidalgo va abonner tous les députés de Paris à CH ? Ouais…. J’ai envie de dire et alors ? Est-ce vraiment ça que l’on attend à cet instant de l’histoire de notre pays ?

Une fois de plus, ça va être la grand-messe du nimportekoitesque et de l’entubage collectif consenti. Tout le monde va acheter Charlie Hebdo, se sentir solidaire, le ranger dans un tiroir oublié – ou pour certainsminables le revendre sur Le bon coin à prix d’or. Pendant un temps, nombre de mosquées et autres lieux liés au culte musulman vont être visés et les provocations de tous bords vont fuser : violentes, acerbes, fleurant bon le purin et laissant nos responsables politiques le cul entre deux chaises. Les gens vont se déchirer sur les réseaux sociaux à coup de non-arguments, de clichés et d’insultes basses. Déjà, des dizaines de demandes pour l’utilisation commerciale du nom Je suis Charlie on atterri sur les bureaux de l’INPI…

Rien ne va changer, tout va s’aggraver.

Pendant cette même semaine où 12 personnes étaient tuées en France, gratuitement et sous un prétexte inexistant ; au Nigeria un village était quasiment rasé et 200 nigérians – hommes, femmes, enfants - étaient décimés. Mais ça n’intéressait personne… La France, accompagnée du reste du monde, était trop occupée à recevoir plusieurs chefs d’état dont au moins 8 champions du monde du non-respect des droits de l’homme.

Charlie Hebdo ne mourra pas si le journal retrouve spontanément un « vrai » public. Mais je n’adhère pas au mouvement consistant à « sauver Charlie » en achetant frénétiquement ce numéro et les prochains dans un élan chauviniste suranné.

Du reste, pour moi sauver la liberté d’expression ne consiste pas à acheter un journal menacé. Je participe à la liberté d’expression en m’informant, en échangeant et en débattant. J’ai toujours refusé de cautionner les informations formatées des grands journaux télévisés. Je parcoure le web en quêtes de diverses sources d’information. Je cherche, fouille, scrute. La liberté d’expression je la sauve en m’informant de tout sans restriction. Je la sauve en relayant ce que je trouve sans rien m’interdire sauf si cela est indécent, blessant, infondé. Je sais remettre mes jugements en question, même les plus ancrés. Je refuse de m’étiqueter à un parti ou une idée. Je ne m’associe pas à la masse populaire. Le « faire comme tout le monde » ne me ressemble pas. Je suis un individu du monde, au-delà de mon pays. Pour continuer de faire vivre cela en moi, je n’ai pas besoin d’acheter Charlie Hebdo. Et la menace sur la liberté d’expression en France est loin d’être « réduite » - expression à prendre au second degré – à Charlie Hebdo. Caricaturer Mahomet en le dessinant au point-par-point dans le dernier numéro de ce journal satirique ne m’apportera rien. La religion ne devrait pas être constamment au cœur des débats dans une République Laïque, bordel de Dieu !

Après le 11/09/2001 où le monde aurait découvert le mal – à bon seulement à ce moment de l’histoire de l’humanité ????, le 07/01/2015 sera donc le jour où la France s’est levée. Je trouve cela bien triste… les signes avant-coureur, démentis par diverses obscures associations et groupes en tous genres, étaient pourtant là. Le refus de débattre de la dénationalisation où du non-droit au territoire de certains individus a été rendus infâme et interdit. La question de la légitimité des aides sociales payées par le contribuable pour tous les migrants sans observer leurs réelles intentions et leur employabilité est régulièrement chassée d’un revers de la main. Je ne parle même pas des nombreux faits-divers caractéristiques d’une montée de la radicalisation de certains depuis bien longtemps…

Après 12 morts pour faire taire un média libéré et imposer une philosophie violente, le seul grand geste du pays serait donc celui-ci : faire vivre le journal ? Vous allez vraiment vous contenter de ça et rentrer chez vous, avec en bonus l’option FN aux prochains élections ? Soyons sérieux…

Je suis Charlie parce que je me sens atteinte dans mon droit de libre pensée lorsque des citoyens sont tués pour ce qu'ils clament ou publient. Mais le Je suis Charlie qui jette le rideau sur les décision à prendre, les politiques à mettre en place, et surtout, surtout... le doigt dans le cul que la majorité des français doit se retirer; je refuse de m'y associer.

SI vous êtes déçus et avez envie de m'insulter ou de me rayer de vos connaissances, vous m'en voyez bien désolée mais cela prouvera simplement que vous aussi, vous ne respectez pas ma liberté de penser - this is not a Florent Pagny tribute !

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